Inflation, Pouvoir d’Achat, SMIC Un Partage de la Valeur centré sur des Primes Ponctuelles, Défiscalisées et Désocialisées

, par Eric

La véritable petite histoire (actuelle) entre inflation, pouvoir d’achat, hausse du SMIC et des salaires, le partage de la richesse produite et du coût de l’inflation entre classe dominante et ouvrière. (partie 4/6)

Dans la cadre de la loi « Pouvoir d’achat » du 16 août 2022, plusieurs mesures ont été adoptées en vue de favoriser le recours à des primes ponctuelles, défiscalisées et désocialisées plutôt que des hausses de salaires.

Ainsi, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dite « PEPA » ou « prime Macron » a été pérennisée.
Renommée « Prime de Partage de la Valeur » (PPV), le dispositif prévoit désormais une prime triplée (pouvant atteindre jusqu’à 6 000 euros) et sensiblement étendue puisqu’elle n’est plus réservée aux salariés dont la rémunération est inférieure à trois SMIC pour le bénéfice de l’exonération de cotisations sociales comme précédemment.

Or, l’UD Force-Ouvrière de la Nièvre rappelle que le risque d’une prime, c’est un effet de substitution à des augmentations pérennes de salaires.
Ce phénomène dit « d’effet d’aubaine » pour les entreprises, a d’ailleurs clairement été mis en lumière par l’INSEE en 2019 après l’instauration de la prime PEPA.

De plus, les montants annoncés, s’ils peuvent sembler élevés, sont purement théoriques car la prime reste au bon vouloir de l’employeur.
En 2021, elle ne touchait concrètement que 3 millions de salariés pour un montant moyen de 506 euros pour les salariés percevant moins de trois SMIC !

En tout état de cause, même les salariés bénéficiaires seront perdants puisque comme l’a souligné la commission des Affaires sociales du Sénat dans son rapport, en contrepartie des défiscalisations et désocialisations prévues, les salariés concernés « n’acquerront aucun droit au titre de ces rémunérations, en particulier pour ce qui concerne les droits à la retraite — de base et complémentaire — et à l’assurance chômage ».

Ainsi, cette prime défiscalisée et désocialisée constitue une perte sèche de « salaire différé » pour les salariés.

De plus, pour l’UD Force-Ouvrière de la Nièvre, il conviendrait bien davantage d’encourager à la négociation salariale plutôt que celle d’un accord d’intéressement, qui constitue l’une des conditions nécessaires prévues par le gouvernement pour porter le plafond de la prime à 6 000 euros.

La loi « Pouvoir d’achat » a également facilité la diffusion de l’intéressement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises y compris par décision unilatérale de l’employeur. Elle a tout d’abord porté la durée maximale des dispositifs d’intéressement (et notamment les accords d’intéressement de projet) de trois à de cinq ans. La mise en place ou le renouvellement d’un dispositif d’intéressement par l’employeur au moyen d’une décision unilatérale ont par ailleurs été élargis aux entreprises de moins de 50 salariés.

Ainsi, à compter de la publication de la loi, les entreprises de moins de 50 salariés qui ne sont pas couvertes par un accord de branche agréé sur le sujet pourront mettre en place l’intéressement par décision unilatérale, dès lors qu’elles sont : _ soit dépourvues de délégué syndical et de CSE (l’employeur devra alors en informer ses salariés par tous moyens) ;
soit pourvues d’au moins un délégué syndical ou d’un CSE, et ont échoué à négocier un accord d’intéressement.
Dans ce cas, un procès-verbal de désaccord devra être établi, dans lequel seront consignées en leur dernier état les propositions respectives des parties.

Or, si une nouvelle répartition du partage de la valeur devait passer prioritairement par l’épargne salariale, l’UD Force-Ouvrière de la Nièvre craint que le déploiement de ces dispositifs ne se substitue aux augmentations des salaires.

Pour s’en convaincre, les chiffres publiés dans le cadre du bilan annuel de la négociation collective montrent qu’en 2021 au niveau des entreprises, l’épargne salariale était le premier thème de négociation :
avec plus de 34 100 accords concernés, elle représentait 44% des accords déposés, suivi par les accords relatifs au temps de travail (16 800 accords) puis les accords salaires (15 300 accords), relégués à la troisième position.

Or, une telle pratique revêt un certain nombre de dangers. En raison de son caractère aléatoire, l’épargne salariale fait peser sur les salariés le « risque de l’entreprise » et ne permet pas de garantir une augmentation pérenne du pouvoir d’achat contrairement aux négociations salariales.

Ces dispositifs sont en outre inapplicables à un certain nombre d’entités et sont particulièrement mal adaptés aux petites et moyennes entreprises.

Défiscalisés et désocialisés, ils ne participent pas non plus au « salaire différé »

pourtant plus que jamais nécessaire en tant de crise : chômage, maladie, retraite.

L’UD Force-Ouvrière de la Nièvre s’oppose à la volonté du gouvernement de recourir à des primes ponctuelles, défiscalisées et désocialisées pour répondre à la nécessaire revalorisation du pouvoir d’achat des salariés. Nous appelons à ce que les exonérations fiscales et sociales soient levées, afin de cesser de creuser les déficits (l’épargne salariale représente à elle seule un manque à gagner de 2,3 milliards d’euros pour les recettes publiques) et redonner sa place au « salaire différé », garant d’un pouvoir d’achat pérenne pour les salariés.

Conscient des conséquences limitées qu’auront les mesures prévues par la loi « Pouvoir d’achat » sur l’érosion alarmante du pouvoir d’achat des salariés, les sénateurs ont ajouté un amendement permettant de débloquer de manière anticipée et dérogatoire leur épargne salariale par les salariés avant l’expiration des délais de droit commun (cinq ans) et en dehors des cas prévus par la loi. (mariage, Pacs, divorce, violences conjugales, rupture du contrat de travail, acquisition d’une résidence principale...)

Pour L’UD Force-Ouvrière de la Nièvre, le déblocage anticipé des sommes de l’épargne salariale ne vaut évidemment pas l’augmentation générale de salaires que nous revendiquons. S’il autorise les salariés qui en disposent à libérer à titre exceptionnel une somme d’argent pour l’achat d’un bien ou d’une fourniture de services, il ne participe pas au « salaire différé » permettant d’acquérir des droits nécessaires en cas de chômage, maladie, retraite.

Il s’agit donc une fois de plus d’une rustine supplémentaire sur une situation de pouvoir d’achat dégradé des salariés.


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